1 janvier 2009

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L'expression ? droits de l'homme ? peut être utilisée dans un sens abstrait et philosophique, soit comme une catégorie de revendications morales que tous les êtres humains peuvent invoquer ou, de manière pragmatique, comme la manifestation de ces revendications dans le droit positif, par exemple, comme garanties constitutionnelles pour rendre les gouvernements responsables dans le cadre des procédures légales nationales. Alors que la première description fait référence aux ? droits de l'homme ?, la deuxième concerne le ? droit relatif aux droits de l'homme ?. Alors que l'origine des ? droits de l'homme ? repose sur la nature de l'être humain lui-même, comme elle est définie par toutes les grandes religions du monde et la philosophie morale, le ? droit relatif aux droits de l'homme ? est un phénomène plus récent qui est étroitement associé à l'émergence de l'?tat démocratique libéral. Dans ces ?tats, c'est la décision majoritaire qui rend légitime la législation et le fonctionnement très bureaucratisé du pouvoir exécutif. Toutefois, les majorités ont parfois peu de considération envers les minorités ? numériques ?, comme les criminels condamnés, les groupes linguistiques ou religieux, les non-ressortissants, les populations autochtones et les victimes de la stigmatisation sociale. Il est donc nécessaire de garantir l'existence et les droits de ces minorités, des vulnérables et des déshérités. Cela se fait en adoptant des règles qui régissent la société sous la forme d'une déclaration de droits constitutionnellement garantis et justiciables contenant les droits de l'homme fondamentaux pour tous. Par le biais de cette déclaration de droits, le ? droit relatif aux droits de l'homme ? est créé, devenant une partie intégrale du système légal et supérieur au droit ordinaire et aux moyens d'action du pouvoir exécutif. Le présent article présente certains aspects de l'histoire du droit relatif aux droits de l'homme aux niveaux mondial régional et sous-régional, en se concentrant sur le passé récent. Commen?ons par quelques observations sur les ? trois générations ? du droit relatif aux droits de l'homme. TROIS G?N?RATIONS DU DROIT INTERNATIONAL?RELATIF AUX DROITS DE L'HOMME La défense des droits de l'homme peut être décrite comme une lutte pour combler le vide qui existe entre les droits de l'homme et le droit relatif à ces droits afin d'assurer la pleine reconnaissance légale et la réalisation réelle des droits de l'homme. L'histoire montre que les gouvernements n'accordent généralement pas facilement les droits, et que pour les acquérir il faut défier leur autorité. Après la Carta Magna, qui a établi des limites aux pouvoirs du roi en Angleterre au XIIIe siècle, la Déclaration d'indépendance américaine en 1776 et la Déclaration fran?aise des droits de l'homme en 1789 sont devenues des références sur la manière dont les visions révolutionnaires peuvent être transformées en droit national et devenir des garanties justiciables contre de futurs abus. La catégorisation traditionnelle en trois générations des droits de l'homme, utilisée à la fois dans les débats nationaux et internationaux sur les droits de l'homme, trace l'évolution chronologique des droits de l'homme comme un écho aux slogans de la révolution fran?aise : Liberté (droits ? civils et politiques ? ou droits de la première génération ?), ?galité (droits socio-économiques ou de la deuxième génération) et Fraternité (droits collectifs ou de la troisième génération). Aux XVIIIe et XIXe siècles, la lutte pour les droits était axée sur la libération de l'oppression de l'autorité et les droits correspondants de la liberté d'expression, d'association, de religion et du droit de vote. Avec l'évolution du r?le de l'?tat dans les pays industrialisés et sur fond d'inégalités croissantes, l'importance des droits socio-économiques a été clairement exprimée. Avec la mondialisation et la prise de conscience de l'imbrication des préoccupations mondiales, en particulier dues à l'extrême pauvreté dans certaines parties du monde, les droits ? de troisième génération ?, comme les droits à un environnement sain, à l'autodétermination et au développement, ont été adoptés. Pendant la période de la guerre froide, les démocraties occidentales ont accordé la priorité aux droits de première génération, tandis que ceux de la deuxième génération, considérés comme issus des idées socialistes, ont suscité des résistances. Dans le monde en développement, la croissance et le développement économiques étaient souvent considérés comme des objectifs plus importants que les droits ? civils et politiques ?. La différence entre les deux ensembles de droits était également mise en valeur : les droits ? civils et politiques ? étaient censés être appliqués immédiatement, alors que les droits de ? deuxième génération ? étaient censés être appliqués progressivement sur le long terme. Un autre sujet de division concernait la notion présumée selon laquelle les droits de ? première génération ? imposent des obligations négatives aux ?tats, tandis que ceux de la deuxième génération imposent des obligations positives. Après la chute du mur de Berlin, il a été généralement convenu qu'une telle dichotomie ne permettait pas de rendre compte de l'interaction et de l'interdépendance de ces droits. La dichotomie entre obligations négatives et obligations positives ne tient plus la route. Il semble beaucoup plus utile de considérer tous les droits comme étant interdépendants et indivisibles et pouvant entraíner certaines obligations pour l'?tat, comme le devoir de respecter, de protéger, de promouvoir et d'appliquer les droits. NIVEAU MONDIAL Pendant des siècles, aucun système international des droits de l'homme n'existait. En fait, le droit international a soutenu les pires atrocités en matière de droits de l'homme, notamment la Traite atlantique des esclaves et le colonialisme. Ce n'est qu'au XIXe siècle que la communauté internationale a adopté un traité qui a aboli l'esclavage. Les premières normes légales internationales ont été adoptées sous les auspices de l'Organisation internationale du Travail (OIT), qui a été créée en 1919 par le Traité de paix de Versailles, afin de faire respecter les droits des travailleurs dans un monde de plus en plus industrialisé. Après la Première guerre mondiale, des tentatives ont été faites pour établir un système des droits de l'homme sous l'égide de la Société des Nations. Par exemple, un Comité des minorités a été créé pour examiner les plaintes des minorités et une Commission des mandats a été mise en place pour examiner les pétitions des habitants des territoires sous mandat. Ces tentatives n'ont pas été fructueuses et ont été abandonnées lorsque la Seconde guerre mondiale a éclaté. Ce furent les traumatismes de la guerre et en particulier les atrocités perpétrées pour des raisons raciales au nom du national-socialisme qui ont permis d'atteindre un consensus sur la création des Nations Unies pour servir de rempart contre la guerre et préserver la paix. Le système fondamental de la promotion et de la protection des droits de l'homme dans le cadre des Nations Unies est fondé sur deux systèmes : la Charte des Nations Unies, adoptée en 1945, et les traités qui ont été adoptés plus tard par les membres de l'ONU. Le système de la Charte s'applique à tous les 192 ?tats Membres de l'ONU, alors que seuls les ?tats qui ont ratifié les traités ou qui y ont accédé sont tenus d'observer la partie du système basé sur les traités (ou conventionnel) à laquelle ils ont explicitement souscrits. SYST?ME DE LA CHARTE Ce système a évolué dans le cadre du Conseil économique et social qui a créé la Commission des droits de l'homme, conformément à l'article 68 de la Charte des Nations Unies. La Commission n'était pas composée d'experts indépendants, mais de 54 représentants gouvernementaux élus par le Conseil, indépendamment du bilan des pays concernés en matière de droits de l'homme. C'est ainsi que les ?tats considérés comme les pires violateurs des droits de l'homme ont fait partie de la Commission. La principale réussite de la Commission fut l'élaboration et l'acceptation quasi-universelle de trois instruments internationaux des droits de l'homme : la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR) adopté en 1966. Comme l'indique l'adoption de ces deux documents distincts, l'idée initiale de transformer la Déclaration universelle en un seul instrument juridiquement contraignant n'a pas été accomplie, principalement d? au manque de justiciabilité des droits socio-économiques. Par conséquent, les plaintes individuelles pouvaient être présentées, alléguant des violations commises par certains ?tats de l'ICCPR, mais pas avec l'ICESCR. La base normative du système de la Charte des Nations Unies est la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée le 10 décembre 1948, texte qui a donné autorité à la vague référence aux droits de l'homme contenus dans la Charte de l'ONU. Bien qu'elle ait été adoptée comme simple déclaration sans valeur juridiquement contraignante, elle est devenue une mesure universelle de la conduite d'un ?tat. Un grand nombre de ses dispositions ont acquis le statut de droit international coutumier. Face aux allégations des violations des droits de l'homme, en particulier avec l'apartheid en Afrique du Sud, la Commission a d? mettre en place un système pour examiner les plaintes. Deux mécanismes ont été créés, les procédures 1235 et 1503, adoptées respectivement en 1959 et 1970, chacune appelée d'après le numéro de la résolution du Conseil économique et social qui l'a instituée. Ces deux mécanismes examinaient seulement les situations de violations flagrantes des droits de l'homme. Alors que la procédure 1235 permettait une discussion publique, la procédure 1503 demeurait confidentielle. Pour combler les lacunes dans la mise en ?uvre efficace des droits de l'homme, un nombre de procédures spéciales ont été établies par la Commission. Celles-ci sont confiées à des rapporteurs spéciaux, à des experts indépendants et à des groupes de travail qui examinent des problèmes spécifiques dans un pays donné (mandat par pays) ou qui se concentrent sur un problème particulier (mandat thématique). Sautons quelques décennies. En 2005, dans son rapport Dans une liberté plus grande : vers le développement, la sécurité et des droits de l'homme pour tous, l'ancien Secrétaire général, Kofi Annan, a appelé au remplacement de la Commission par un Conseil permanent de taille réduite et respectueux des droits de l'homme, en mesure de combler le manque de crédibilité causé par les ?tats qui se sont fait élire à la Commission ? pour se soustraire aux critiques et pour critiquer les autres1 ?. La raison principale de cette recommandation venait de la fa?on très sélective dont la Commission exer?ait son mandat par pays, principalement la partialité politique des représentants et la capacité des pays plus puissants de détourner l'attention de leurs propres actions et de celles des pays qui bénéficient de leur soutien. En 2006, l'Assemblée générale a décidé de suivre les recommandations du Secrétaire général et a créé le Conseil des droits de l'homme pour remplacer la Commission des droits de l'homme2. Des différences importantes existent entre l'ancienne Commission des droits de l'homme et le Conseil des droits de l'homme actuel. En tant qu'organe subsidiaire de l'Assemblée générale, le Conseil jouit d'un statut plus élevé que la Commission, qui était un organe fonctionnel du Conseil économique et social. Le nombre de ses membres est légèrement inférieur (47 ?tats) et ceux-ci sont élus à la majorité absolue des ?tats Membres de l'Assemblée (97 ?tats). Pour éviter la domination prolongée de quelques ?tats, les membres peuvent être élus seulement pour deux mandats de trois ans consécutifs. Le Conseil est un organe permanent, qui se réunit régulièrement, pas seulement pour une session annuelle de six semaines marquées par des pugilats politiques, comme c'était le cas avec la Commission. Suivant des critères de sélection prenant davantage en compte les droits de l'homme, la liste des ?tats élus par l'Assemblée est très différente de celle de la Commission de 2006. L'Assemblée peut, par un vote à la majorité des deux tiers, suspendre un membre qui commet des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme. Le Conseil des droits de l'homme a gardé la plupart des procédures spéciales, y compris la procédure confidentielle 1503 (appelée maintenant la ? procédure d'exécution ?), et a introduit l'Examen périodique universel (EPU). ? partir d'avril 2008, un tiers des ?tats Membre de l'ONU se sont soumis à cet examen. L'EPU présente des similarités avec le Mécanisme d'évaluation intra-africaine qui a été mis en place par le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD). En plus de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'Assemblée générale a adopté de nombreuses autres déclarations. Quand les ?tats trouvent un consensus suffisant, les déclarations peuvent devenir des accords juridiquement contraignants. Il est intéressant de noter que le niveau de consensus requis n'est pas atteint sur les questions cruciales comme la protection de la citoyenneté non-hégémonique. Les deux déclarations pertinentes - la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée en 1992, et la Déclaration des droits des peuples autochtones, adoptée en 2007, ne sont pas devenues des instruments juridiquement contraignants. C'est aussi le cas de la Déclaration sur le droit au développement, qui a été adoptée en 1986.
SYST?ME DES TRAIT?S Le système des traités s'est développé encore plus rapidement que le système de la Charte. Le premier traité, adopté en 1948, fut la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui a traité de l'expérience la plus immédiate de l'Holocauste. Depuis, un grand nombre de traités ont été adoptés, qui couvrent un vaste éventail de sujets, dont huit sur les droits de l'homme - chacun comprenant un organe de surveillance de l'application des traités - sous les auspices des Nations Unies.
Le premier traité, adopté en 1965, fut la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD), suivi de l'ICCPR et de l'ICESR en 1966. Le système international des droits de l'homme a commencé à se concentrer moins sur les questions générales pour s'intéresser à des groupes particulièrement marginalisés et opprimés ou à des thèmes plus spécifiques : la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) adoptée en 1979; la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants (1984); la Convention relative aux droits de l'enfant (1989); la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990); et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006). Le traité le plus récent est la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ICED), qui a été aussi adoptée en 2006, mais qui n'est pas encore entrée en vigueur. Avec l'adoption du Protocole facultatif à l'ICESCR en 2008 qui permet de déposer des plaintes individuelles concernant les violations présumées des droits socio-économiques, le système des traités de l'ONU incarne aussi le principe que tous ces droits sont justiciables.
HAUT-COMMISSARIAT DE l'ONU
Vingt ans après l'adoption de la Déclaration universelle, la Première conférence internationale sur les droits de l'homme a eu lieu en 1968 à Téhéran. Le monde étant alors dominé par la guerre froide, il était difficile d'atteindre un consensus et peu de choses ont été accomplies. Cela a changé lorsque la deuxième conférence mondiale a eu lieu à Vienne en 1993. La guerre froide touchait à sa fin, mais un génocide avait lieu en Bosnie-et-Herzégovine. C'est sur cette toile de fond que 171 chefs d'?tat et de gouvernement se sont rencontrés et ont adopté la Déclaration et le Programme d'action de Vienne. Ils réaffirmaient que tous les droits sont universels, indivisibles et interdépendants. Plusieurs résolutions adoptées alors ont été par la suite mises en ?uvre, y compris l'adoption d'un Protocole facultatif à la CEDAW et la création du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies, avec comme premier Haut-commissaire, José Ayala Lasso élu en 1994. Le Haut-Commissariat était chargé entre autres de maintenir une présence sur le terrain dans les pays en crise.
D'autres conférences ont aussi souligné d'importantes questions, comme le racisme et la xénophobie, qui ont été débattues à la Conférence mondiale contre le racisme qui s'est tenue en 2001 à Durban, en Afrique du Sud. Le point culminant de cette conférence a été l'adoption de la Déclaration et le Programme d'action de Durban. Une conférence d'examen a eu lieu en avril 2009 pour évaluer les progrès de la mise en ?uvre de la Déclaration.
NIVEAU R?GIONAL
Depuis la Seconde guerre mondiale, trois systèmes régionaux des droits de l'homme - les normes et les institutions juridiquement contraignantes - ont été établis. Chacun de ces systèmes fonctionne sous les auspices d'une organisation intergouvernementale ou d'un organisme politique international. Dans le cas du système européen, le Conseil de l'Europe, le meilleur des trois, créé en 1949 par dix ?tats européens occidentaux pour promouvoir les droits de l'homme et l'état de droit en Europe au sortir de la Seconde guerre mondiale, a empêché une régression vers les régimes totalitaires et a servi de rempart contre le communisme. L'Organisation des ?tats d'Amérique (OEA) a été créée en 1948 pour promouvoir la paix, la sécurité et le développement dans la région. En Afrique, un système des droits de l'homme a été adopté sous les auspices de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) qui a été créée en 1963 et remplacée par l'Unité africaine (UA) en 2002.
Dans chacun de ces systèmes, les normes essentielles sont établies dans un traité principal. Le Conseil de l'Europe a adopté son premier traité des droits de l'homme en 1950 : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Incorporant les protocoles adoptés, il comprend principalement les ? droits civils et politiques ? et garantit le droit de propriété. Tous les 47 membres du Conseil de l'Europe sont parties à la Convention européenne. L'OEA a adopté la Convention américaine des droits de l'homme en 1969, qui a été ratifié par 24 ?tats. Cette Convention contient des droits similaires à ceux de la Convention européenne, mais va plus loin en garantissant un minimum de droits ?socio-économiques ?. ? la différence de ces deux traités, la Charte africaine, adoptée par l'OUA en 1981, contient des droits ? socio-économiques ? justiciables et met l'accent sur les devoirs de chacun et les droits des peuples. Tous les membres de l'OUA sont parties à la Charte africaine.
La mise en ?uvre du traité principal varie selon les régions. Au cours des décennies, le système européen de mise en ?uvre, dont les réunions ont lieu à Strasbourg, a mis en place un système fonctionnant avec une commission et une cour qui forment une seule institution judiciaire. La Cour européenne des droits de l'homme traite des cas individuels. Le mécanisme interaméricain fonctionne suivant ce même modèle, avec la Commission interaméricaine, établie à Washington, et la Cour interaméricaine des droits de l'homme, établie à San José, au Costa Rica. Les plaintes individuelles doivent être adressées d'abord à la Commission interaméricaine, puis sont transmises à la Cour. La Commission a également pour fonction d'effectuer des visites sur les lieux. Après quelques réformes institutionnelles récentes, le système africain ressemble maintenant au système interaméricain.
De nouveaux systèmes régionaux arabes et musulmans ont également émergé sous les auspices de la Ligue des ?tats arabes et l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Selon le point de vue du monde islamique, le Coran et d'autres sources religieuses jouent un r?le dominant dans la réglementation de la vie sociale.
La Ligue des ?tats arabes a été créée en application des clauses du Pacte de la Ligue des ?tats arabes de 1945. Elle a pour objectif de renforcer l'unité entre les ?tats arabes en établissant des liens plus étroits entre ses membres. Le Pacte souligne l'indépendance et la souveraineté de ses membres, mais aucune mention n'est faite dans son document constitutif sur le contenu ou les principes des droits de l'homme.
Lors de la Conférence mondiale de Téhéran en 1968, des ?tats arabes ont réussi à faire inscrire la situation dans les territoires occupés par Isra?l sur l'ordre du jour, en la présentant comme une question des droits de l'homme. Cette prise de position a suscité une prise de conscience des droits de l'homme parmi les ?tats arabes après les nombreuses défaites subies contre Isra?l en 1967. Toutefois, lors de la Conférence de Téhéran et par la suite, l'engagement de la Ligue arabe envers les droits de l'homme consistait principalement à formuler des critiques sur la manière dont Isra?l traitait les habitants qui vivaient en Palestine et dans les territoires occupés. En 1968, une conférence régionale sur les droits de l'homme a eu lieu à Beyrouth, où la Commission arabe permanente pour les droits de l'homme a été établie. Depuis sa création, cette Commission a été un organe très politisé, sa nature politique étant renforcée par le système de nomination adopté. En effet, la Commission n'est pas composée d'experts indépendants comme dans de nombreux autres organes des droits de l'homme, mais de représentants gouvernementaux. Le 15 septembre 1994, le Conseil de la Ligue des ?tats arabes a adopté la Charte arabe sur les droits de l'homme qui est entrée en vigueur en 2008 après avoir obtenu les sept ratifications requises.
L'OCI, créée en 1969, vise à promouvoir la solidarité parmi les 56 ?tats Membres et ?uvre à la coopération dans les domaines économique, culturel et politique. Le document principal des droits de l'homme, adopté au Caire en 1990 dans ce cadre, est la Déclaration du Caire sur les droits de l'homme dans le monde islamique, qui relève seulement du discours. Comme son nom l'indique et selon les objectifs de l'OCI, la déclaration est étroitement liée aux principes de la Charia. En 2004, l'OCI a adopté un instrument juridiquement contraignant dans un but spécifique : le Pacte relatif aux droits de l'enfant dans le monde islamique. Cette Convention est ouverte à la ratification et entrera en vigueur après que 20 ?tats Membres de contr?le - le Comité islamique sur les droits de l'enfant - son mandat est assez vague.
Chevauchant dans une certaine mesure le monde musulman, la région asiatique s'étend de l'Indonésie au Japon, comprenant un groupe de nations très divers. Malgré les efforts des Nations Unies, aucune convention ou aucun organe des droits de l'homme n'a été créé dans la région Asie-Pacifique. En l'absence d'une organisation intergouvernementale qui servirait de cadre régional pour tous les ?tats de cette région, un système régional des droits de l'homme semble improbable.
NIVEAU SOUS-R?GIONAL
Plus récemment, le niveau sous-régional est devenu un autre domaine de la lutte des droits de l'homme, en particulier en Afrique. D? à un système régional faible dans le cadre de l'Union africaine, un certain nombre de Communautés économiques sous-régionales africaines (CER) ont vu le jour dans les années 1970 : la Communauté économique des ?tats de l'Afrique de l'Ouest, le Marché commun pour l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe, la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE). Même si les CER visent principalement à l'intégration économique sous-régionale et pas à la réalisation des droits de l'homme, il existe un chevauchement inévitable du fait que leurs objectifs d'intégration économique et d'éradication de la pauvreté sont liés à la réalisation des droits socio-économiques. Dans un certain nombre de traités constitutifs, les droits de l'homme sont explicitement reconnus comme faisant partie intégrante des objectifs de l'organisation. En créant des cours sous-régionales ayant comme mandat implicite, ou parfois explicite, de traiter les affaires ayant trait aux droits de l'homme, ces communautés économiques sont devenues des acteurs clés dans le système régional des droits de l'homme.
Deux décisions des cours sous-régionales illustrent l'importance croissante des CER dans la protection des droits de l'homme. Dans une affaire engagée contre l'Ouganda, il a été fait valoir que l'Ouganda avait violé le Traité de la CEA quand ce pays a arrêté une seconde fois 14 personnes accusées qui avaient été libérées sous caution3. En 2007, la Cour a statué que l'Ouganda avait violé la règle de droit, telle qu'elle est énoncée dans les principes fondamentaux qui régissent la CEA.
Dans sa première décision sur la justification d'une affaire, prononcée en novembre 20084, le Tribunal de la CDAA a statué qu'il était habilité, sur la base du Traité de la SADC, de traiter de l'acquisition des terres agricoles par le gouvernement zimbabwéen entreprise en vertu d'un amendement à la Constitution (amendement 17). Le Tribunal a également jugé que parce qu'il ciblait les fermiers blancs, le programme de réforme agraire zimbabwéen violait l'article 6(2) du Traité de la SADC, qui interdit toute discrimination raciale, entre autres facteurs. Le Tribunal a donc demandé au Zimbabwe de protéger la possession, l'occupation et la propriété des terres détenues par les défendants et d'indemniser correctement ceux qui avaient déjà été expropriés.
Des initiatives prometteuses vers une reconnaissance des droits de l'homme sous-régionaux ont récemment eu lieu dans l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), regroupant les ?tats Membres de l'Indonésie, de la Malaisie, de Singapour, de la Tha?lande et des Phillipines. Même si l'ANASE a été créée en 1967, un traité constitutif officiel (la Charte de l'ANASE) a été adopté seulement en 2007. Le projet de la Charte inclut un organe des droits de l'homme - un processus qui est en cours.

PAS SEULEMENT L'AFFAIRE DES ?TATS
Les progrès en matière de droits de l'homme ne dépendent pas seulement des ?tats. Les organisations non gouvernementales jouent un r?le essentiel dans la prise de conscience sur des questions importantes et préparent le terrain aux déclarations et aux traités qui sont ensuite adoptés par les Nations Unies.
Le r?le de la société civile est spécialement important lorsque les litiges qui portent sur une question inhibe l'action de l'?tat. Les principes de Yogyarkata sur l'application du droit international relatif aux droits de l'homme concernant l'orientation et l'identité sexuelles sont un exemple. Bien qu'ils aient été adoptés en novembre 2006 par 29 experts venant de 25 pays seulement, les 29 principes contenus dans le document - liés aux obligations de l'?tat concernant le respect de l'orientation et l'identité sexuelles - deviennent un point de référence accepté au niveau international et vont probablement susciter des débats.
Le droit relatif aux droits de l'homme est aujourd'hui radicalement différent d'il y a 60 ans lorsque la Déclaration universelle a été adoptée. Des progrès importants ont été réalisés depuis la Seconde guerre mondiale en élargissant la portée normative du droit international relatif aux droits de l'homme et en permettant l'élargissement des droits de l'homme au niveau international. Toutefois, au cours des dernières décennies, l'attention a été portée sur la mise en ?uvre et le respect des normes des droits de l'homme, sur l'amélioration des filets de sécurité et sur un examen critique de l'impact de ces normes. Les préoccupations croissantes en matière de droits de l'homme ont également mis davantage en lumière la responsabilité individuelle des responsables de violations flagrantes des droits de l'homme, comme le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. La création des tribunaux pénaux internationaux, notamment la Cour pénale internationale en 1998, constitue une tendance vers l'humanisation du droit international. Le développement de la juridification du droit international relatif aux droits de l'homme est illustré par la création d'un plus grand nombre de cours, l'extension des mandats judiciaires qui incluent les droits de l'homme et l'acceptation sans équivoque que tous les droits sont justiciables. Avec l'adoption du Protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le principe d'indivisibilité dans le cadre du droit international relatif aux droits de l'homme est de plus en plus accepté. Toutefois, l'évolution constante du système des droits de l'homme dépend considérablement des acteurs non étatiques, comme l'illustre leur r?le dans la mobilisation de l'opinion publique et la préparation du terrain pour la reconnaissance des droits des ? minorités sexuelles ?. Il ne fait aucun doute que le paysage a beaucoup évolué depuis 60 ans.

Notes 1. Dans une liberté plus grande : vers le développement, la sécurité et les droits de l'homme pour tous, rapport du Secrétaire général, Doc. ONU A/49/2005, 21 mars 2005. 2. Doc. ONU A/RES/60/251 (parag.13), 3 avril 2006, recommandant au Conseil économique et social d'? abolir ? la Commission des droits de l'homme, le 16 juin 2006. 3. James Katabatzi et autres contre le Secrétaire général de la CEA et le procureur d'Ouganda, référence 1 de 2007, Cour de justice en l'Afrique de l'Est, 1er novembre 2007. 4. Mike Campbell (particulier) et autres contre la République du Zimbabwe. Affaire SADT 2/07, Tribunal de la SADC, 28 novembre 2008.

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