31 décembre 2012

? Déterminés à mettre un terme à l'impunité des auteursde crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communautéinternationale et de concourir ainsi à la préventionde ces crimes ?

Préambule du Statut de Rome
Le 24 septembre 2012, l'Assemblée générale des Nations Unies a tenu une Réunion de haut niveau sur l'état de droit aux niveaux national et international durant laquelle un nombre important de délégués ont souligné l'importance de la Cour pénale internationale (CPI). Dans la Déclaration adoptée lors de la réunion, les ?tats ont reconnu ? le r?le que joue la Cour pénale internationale dans un système multilatéral visant à mettre fin à l'impunité et à instaurer l'état de droit1 ?. Dans les remarques que j'ai faites à l'Assemblée le 1er novembre 2012, je me suis félicité de cette déclaration où sont reprises de nombreuses caractéristiques du r?le de la Cour2.
Le r?le essentiel de la CPI est de faire respecter les normes spécifiques du droit international visant à empêcher et à prévenir les violences massives.
Confrontée aux atrocités perpétrées pendant la Deuxième Guerre mondiale, la communauté internationale a lancé un appel sans précédent pour que justice soit faite pour mettre fin à ces crimes par le biais, entre autres, de l'adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, des quatre Conventions de Genève et des principes de Nuremberg.
Toutefois, en l'absence de mécanismes d'application crédibles, les violations du droit humanitaire international internationale a décidé de prendre des mesures communes en créant un système de justice international global visant à prévenir l'impunité pour les pires atrocités. Le 17 juillet 1998, cette vision s'est concrétisée avec l'adoption par les ?tats, sous les auspices de l'ONU, d'un traité multilatéral appelé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Avec son entrée en vigueur le 1er juillet 2002, la première cour pénale internationale, la CPI, voyait le jour.
La CPI contribue à la lutte contre l'impunité et à l'instauration de l'état de droit en veillant à ce que les crimes les plus graves ne restent pas impunis et en promouvant le respect du droit international. La CPI est une instance de dernier recours habilitée à juger les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre3 lorsque les juridictions nationales, pour des raisons quelconques, ne sont pas en mesure de le faire ou ne veulent pas le faire. Depuis novembre 2012, la CPI a été saisie de 14 affaires dans sept pays pour un total de 23 suspects ou accusés4. Trois des enquêtes en Ouganda, en République démocratique du Congo (RDC) et en République centrafricaine ont été déférées à la CPI par les ?tats eux-mêmes; deux situations au Darfour, au Soudan et en Libye ont été déférées au Procureur de la CPI par le Conseil de sécurité des Nations Unies et les deux dernières enquêtes au Kenya et en C?te d'Ivoire ont été ouvertes par le Procureur de sa propre initiative, avec l'autorisation de la Chambre préliminaire de la CPI. Le Procureur examine actuellement huit situations5.
Le Statut de Rome et la CPI ont, en particulier, fait des progrès dans la lutte contre l'impunité concernant les crimes contre les enfants et les femmes. Ces actes sont codifiés dans le Statut de Rome dans lequel il est demandé que les organes de la CPI assurent l'expertise de personnes spécialisées en matière de violence contre les femmes et les enfants. De fait, les crimes sexistes ont figuré dans la vaste majorité des affaires jugées à ce jour par la CPI.
Le premier verdict de la CPI a été prononcé le 14 mars 2012 et la première condamnation le 10 juillet 2012 dans l'affaire Lubanga6, ce dernier ayant été accusé du recrutement, de l'enr?lement et de l'utilisation d'enfants soldats de moins de 15 ans pour participer activement à des hostilités en RDC. Les chefs d'accusation concernant l'utilisation d'enfants soldats figurent également dans d'autres affaires jugées par la CPI, et la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés a indiqué que ? ces condamnations avaient un effet dissuasif sur le recrutement des enfants dans des situations de conflits armés7 ?.
Comme l'a déclaré Kofi Annan, le Secrétaire général des Nations Unies alors en poste en 2004, la CPI a un effet important en ? faisant savoir aux auteurs de violations potentiels que l'impunité n'est pas garantie [.]8?. Lorsque des tensions surviennent, le fait d'annoncer au public que la CPI suit la situation peut être un moyen important pour faire savoir à tous les violateurs potentiels qu'ils pourraient être tenus responsables de leurs actes. En outre, cela peut attirer l'attention locale et internationale et inciter d'autres parties prenantes à prendre les mesures nécessaires pour déminer la crise. Récemment, un ministre des ?tats parties au Statut de Rome m'a dit que la possibilité d'une intervention de la CPI était un facteur majeur qui permettait de prévenir les violences de grande ampleur dans le contexte des élections nationales.
Même lorsqu'elle est nécessaire, l'intervention de la CPI ne donne pas nécessairement lieu à des procédures légales engagées devant cette Cour. Une enquête de la CPI peut inciter les autorités nationales appropriées à enquêter sur les crimes allégués sans délai et juger les auteurs présumés dans les tribunaux nationaux.
La CPI réduit l'impunité non seulement en punissant les auteurs de violations mais aussi en permettant aux victimes de participer aux procédures judiciaires et de demander réparation9. Ces nouvelles caractéristiques des procédures pénales internationales renforcent les moyens d'action des victimes et associent plus étroitement la justice punitive et la justice réparatrice. En novembre 2012, la CPI a re?u plus de 12 000 demandes de participation aux procédures, dont la majorité ont été acceptée. Sa première décision concernant la réparation pour les victimes a été rendue le 7 ao?t 201210.
Un aspect innovant lié au système du Statut de Rome a été la création du Fonds au profit des victimes qui a deux mandats, à savoir mettre en oeuvre les décisions de réparation prises par la Cour et apporter une assistance aux victimes et à leur famille indépendamment des décisions judiciaires. Actuellement, plus de 80 000 bénéficiaires re?oivent une assistance du Fonds et de ses partenaires locaux et internationaux. En répondant aux besoins particuliers des victimes en les aidant à retrouver leur place dans leur communauté et à rétablir leurs moyens de subsistance, le Fonds devient un élément de plus en plus visible de la passerelle entre justice et développement11.
Le Statut de Rome a créé non seulement une cour, mais aussi un nouveau système juridique international comprenant la CPI ainsi que les juridictions nationales de chaque ?tat partie. Au sein de ce système, les ?tats ont la responsabilité principale d'enquêter sur les crimes relevant du Statut de Rome et de juger les coupables. Dans son rapport de 2004, M. Annan a noté que ? la Cour exerce déjà un effet important [.] en servant de catalyseur pour la promulgation de lois nationales contre les crimes internationaux les plus graves12 ?. En effet, l'Assemblée des ?tats parties au Statut de Rome a souligné à maintes reprises l'importance de la mise en oeuvre nationale du Statut et du renforcement des capacités des juridictions nationales et a étudié les moyens d'atteindre ces objectifs. Récemment, des discussions sur ces questions, sous le concept de complémentarité du Statut de Rome, se sont multipliées dans de nombreuses instances parmi un grand nombre de parties prenantes, notamment l'ONU, les ?tats intéressés et la société civile.
Sans l'état de droit, l'impunité règne. En punissant les auteurs de violations des normes juridiques internationales et en promouvant l'adhérence à ces normes, la CPI et le système élargi du Statut de Rome jouent un r?le important dans la promotion de l'état de droit, et donc dans la lutte contre l'impunité. Ce r?le est crucial, compte tenu de la nature des normes spécifiques visées par le Statut de Rome - normes visant à prévenir les crimes qui ? constituent une menace à la paix, à la sécurité et au bien-être du monde13 ?. Les actes et les omissions qui relèvent de sa compétence sont si haineux, si destructeurs que chaque effort déployé pour les prévenir est utile.
L'obligation de rendre compte est importante non seulement dans l'intérêt du passé, mais aussi dans celui de l'avenir. Lorsque l'impunité n'est pas sanctionnée, elle offre un terrain favorable aux conflits et à la violence.
Afin de s'acquitter de son mandat, la CPI a besoin du soutien et de la coopération des ?tats14. La communauté internationale a, à de multiples occasions, déclaré sa détermination à mettre fin à l'impunité pour les crimes les plus graves. La coopération avec la CPI est un moyen concret de réaliser cet objectif. Ne disposant pas de sa propre force de police, la CPI a besoin de la coopération des ?tats pour l'exécution de ses ordonnances et dépend complètement d'eux pour ce qui est de l'exécution de ses mandats d'arrêt. Malheureusement, plusieurs suspects faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI ont réussi à échapper à l'arrestation depuis de nombreuses années, défiant les tentatives de la commuanuté internationale d'instaurer l'état de droit
au niveau international. La volonté politique de juger ces personnes est cruciale.
Le système du Statut de Rome a changé la perception des crimes graves relevant du droit international. La création d'une cour internationale permanente pour juger ces crimes a encouragé les juridictions nationales à prévenir l'impunité et leur a donné les moyens de le faire. Au 1er juillet 2012, le Statut de Rome comptait 121 ?tats parties qui ont appuyé sans réserve ce nouveau paradigme de justice centré sur la CPI. Trente-deux ?tats l'ont signé, mais ne l'ont pas encore ratifié. Je m'associe pleinement à l'appel de l'Assemblée générale invitant les ?tats qui n'en sont pas encore parties de rejoindre les rangs de la CPI15. La nature universelle du Statut non seulement étendrait sa protection juridique aux peuples dans le monde, mais démontrerait que tous les coupables sont égaux devant la loi.
L'importance à long terme de la CPI et du système du Statut de Rome repose à la fois sur la punition des auteurs de crimes et la prévention de nouveaux crimes. Leur contribution en la matière est déjà constatée. Alors qu'elle entre dans sa deuxième décennie, la CPI reste fermement engagée à mettre fin à l'impunité et à promouvoir l'état de droit, inspirée des valeurs communes de l'humanité que la Cour partage avec l'ONU. ?

Notes
1 - Déclaration de la Réunion de haut niveau de l'Assemblée générale sur l'état de droit aux niveaux national et international, A/67/L.1, 19 septembre 2012.
2 - Voir p. ex., "La Cour pénale internationale suscite un nouvel espoir de voir l'impunité reculer durablement ? et la création de la CPI ? constitue sans aucun doute le développement récent le plus important dans la longue lutte menée pour faire progresser la cause de la justice et l'état de droit ?, Rapport du Secrétaire général, 23 ao?t 2004, S/2004/616, para. 49; ? Le Conseil constate que la lutte contre l'impunité des auteurs des crimes les plus graves qui concernent la communauté internationale s'est renforcée gr?ce à l'action de la Cour pénale internationale [.] ?, Déclaration du Président du Conseil de sécurité, 26 juin 2010, S/PRST/2010/11; ? les membres du Conseil de sécurité rappelle la contribution de la [.] Cour pénale internationale [.] dans la lutte contre l'impunité des auteurs des crimes les plus graves qui concernent la communauté internationale ?, Déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité concernant la contribution des cours et des tribunaux dans la lutte contre l'impunité, 5 juillet 2012, SC/10700.
3 - Et le crime d'agression, une fois que les modifications pertinentes du Statut de Rome entreront en vigueur.
4 - En outre, quatre autres suspects ont comparu devant la CPI, mais la Chambre préliminaire a refusé de confirmer les chefs d'accusation contre eux estimant que les preuves étaient insuffisantes pour justifier un procès. Deux autres suspects sont décédés alors qu'ils étaient toujours en liberté. Pour plus de détails, visitez le site .
5 - Afghanistan, Colombie, Corée, Géorgie, Guinée, Honduras, Mali et Nigeria.
6 - Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, jugement en vertu de l'article 74 du Statut, Chambre préliminaire I, 14 mars 2012, ICC-01/04-01/06-2842; Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision relative à la peine en vertu de l'article 76 du Statut, Chambre préliminaire I, 10 juillet 2012, ICC-01/04-01/06-2901. Le jugement et la peine sont actuellement en appel.
7 - Rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, A/67/256, 6 ao?t 2012.
8 - Rapport du Secrétaire général, 23 ao?t 2004, S/2004/616, para. 49.
9 - L'impunité est définie ? par l'absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilité pénale des auteurs de violations, ainsi que de leur responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu'ils échappent à toute enquête tendant à permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s'ils sont reconnus coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y compris à réparer le préjudice subi par leurs victimes ?. [caractères gras ajoutés par l'auteur]. Ensemble de principes actualisés pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité, 8 février 2005, E/CN.4/2005/102/Add.1, p. 6.
10 - Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, décision établissant les principes et les procédures à appliquer en matière de réparation, Chambre préliminaire I, 7 ao?t 2012, ICC-01/04-01/06-2904. La décision est actuellement en appel.
11 - Sur le lien entre justice et développement, voir p. ex., Rapport sur le développement dans le monde 2011, ? Conflit, sécurité et développement ?.

12 - Rapport du Secrétaire général, 23 ao?t 2004, S/2004/616, p. 16.
13 - Voir Préambule au Statut de Rome de la CPI.
14 - L'importance de la coopération avec la CPI a été soulignée dans la Déclaration de la Réunion de haut niveau de l'Assemblée générale sur l'état de droit aux niveaux national et internationale, A/67/L.1, 19 septembre 2012, par. 23.
15 - Ibid.

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