1 mars 2008

Alors que nous sommes à mi-chemin entre l'adoption en 2000 des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et l'échéance pour leur réalisation en 2015, il est à la fois opportun et essentiel d'évaluer les progrès accomplis dans la région arabe. Bien que l'ensemble de la région ait réalisé d'importants progrès dans certains domaines, notamment l'éducation et la lutte contre les maladies, certains facteurs ont ralenti la réalisation des OMD.

La performance économique relativement faible dans les années 1990 et au début des années 2000, le financement inadéquat des politiques sociales et l'intensification des tensions et des conflits politiques ont été des obstacles aux progrès. La réalisation des OMD dans la région arabe aux niveaux régional, sous-régional et national nécessite des efforts concertés et l'engagement des gouvernements et des organisations de la société civile. Des efforts sont nécessaires pour créer des institutions efficaces et transparentes et établir des politiques favorables aux jeunes et à l'égalité des sexes pour que les jeunes ne soient pas seulement les bénéficiaires du développement, mais en soient aussi les acteurs.

La région arabe présente des disparités importantes entre les différentes sous-régions*, en particulier entre les ?tats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à revenu élevé et les pays les moins avancés (PMA). Ces disparités sont non seulement considérables en termes de développement, mais aussi en termes de progrès vers la réalisation des OMD. De fait, tandis que les pays du CCG, ainsi que plusieurs ?tats des sous-régions du Maghreb et du Machrek, sont en voie de réaliser la plupart des OMD, les PMA arabes, ainsi que l'Irak et la Palestine en proie aux conflits font face à de nombreux défis. Pour que ces pays réalisent les OMD d'ici à 2015, il faut intensifier les efforts de développement aux niveau national et international.

Sur la base des données de 12 pays arabes, représentant 74 % de la population totale de la région, la proportion de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté entre 1995 et 1999 et entre 2000 et 2005 est restée identique, à environ 23 %. Les taux de pauvreté ont diminué, passant de 11 à 9 % dans la région du Maghreb et de 46 à 45 % dans les PMA arabes, mais ont augmenté dans la région du Machrek, passant de 18 à 19 % sans compter l'Irak où un tiers de la population vit dans la pauvreté à cause des conflits. Il en est de même pour la Palestine, où les taux de pauvreté ont augmenté de 50 %. Les données individuelles des pays indiquent de fortes disparités dans la proportion d'enfants de moins de cinq ans présentant une insuffisance pondérale. On estime qu'au Yémen, 46 % des enfants de moins de cinq ans souffraient de malnutrition en 2003, comparés à seulement 3,3 % au Liban. De plus, dans la plupart des cas, la main-d'?uvre est la seule source de revenus pour les pauvres. Dans ce contexte, les taux de ch?mage très élevés, le ch?mage généralisé et un rapport emploi-population bas, qui continuent de caractériser les marchés du travail dans la plupart des pays arabes, sont particulièrement problématiques.

Dans le domaine de l'éducation, toutes les sous-régions arabes ont accompli des progrès significatifs depuis 1990, mais les PMA arabes sont encore loin d'assurer l'éducation primaire pour tous. En 2005, un enfant sur deux n'était pas inscrit à l'école primaire. En fait, deux tiers des 7,5 millions d'enfants non scolarisés dans la région vivent dans les six PMA arabes. De plus, même si, en moyenne, les jeunes ont acquis un niveau d'éducation relativement élevé, cela n'a pas amélioré les possibilités d'emploi. Les taux de ch?mage très élevés persistent chez les jeunes et ont entraíné un exode des compétences dans plusieurs marchés du travail arabes, les jeunes dipl?més de l'enseignement supérieur étant contraints d'immigrer pour gagner leur vie.

Les efforts récents menés par les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les institutions de la société civile pour s'attaquer à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et investir dans les questions liées aux femmes ont permis d'améliorer l'accès des femmes à l'éducation et leur taux d'alphabétisation. L'ensemble de la région arabe est près d'assurer la parité dans l'enseignement primaire et secondaire et a réalisé cet objectif dans l'enseignement supérieur. Le ratio femmes-hommes alphabètes est passé de 0,71 en 1990 à 0,87 en 2006. Ces progrès ont cependant été hétérogènes, les plus importants ayant été enregistrés dans la région des ?tats du Golfe. En revanche, dans les PMA arabes, 73 % des enfants non scolarisés sont des filles. Malheureusement, malgré ces progrès en matière de d'éducation des femmes, leur participation politique et économique n'a pas augmenté. Dans le secteur non agricole, leur part dans le marché de l'emploi s'est stabilisée à 18 % entre 1990 et 2004, très au-dessous des 31 % enregistrés dans les pays en développement. De plus, la participation des femmes aux Parlements de la région représentait 8 % en 2007, l'un des taux les plus bas au monde. Dans les sous-régions et entre les pays, la région continue de faire face à des disparités considérables concernant trois OMD liés à la santé. De fait, alors que l'ensemble de la région est sur le point de réaliser l'objectif visant à réduire la mortalité des enfants de moins de cinq ans, les progrès ont été modestes dans les PMA arabes, où plus d'un enfant sur dix meurt avant d'avoir cinq ans. De même, tandis que l'?gypte a réussi à réduire de manière significative le taux de mortalité maternelle, ce dernier continue d'être très élevé dans les PMA arabes, ainsi qu'en Irak et au Maroc, bien qu'à un degré moindre. La prévalence générale du VIH/sida dans la région continue d'être relativement faible, mais les risques et la vulnérabilité sont en hausse dans plusieurs pays arabes. La tuberculose demeure un problème de santé publique et est, dans la région, la cause principale des décès dus aux maladies transmissibles chez les adultes. Les PMA arabes sont les plus touchés par la tuberculose, 134 000 personnes ayant contracté la maladie en 2005, ce qui représente près de 56 % de tous les nouveaux cas dans toute la région. De plus, tandis que le paludisme a été presque éliminé dans la majorité des pays arabes, il est très endémique dans les PMA arabes, où 3 313 cas pour 100 000 personnes ont été enregistrés en moyenne en 2005. 98 % des cas rapportés dans la région sont concentrés à Djibouti, en Somalie, au Soudan et au Yémen. La réalisation de l'OMD lié à la santé dépend donc étroitement de la rapidité des progrès dans les PMA arabes.

Tous les pays arabes partagent, à des degrés divers, le défi d'améliorer la gouvernance environnementale et d'intégrer la gestion des ressources environnementales dans les stratégies de réduction de la pauvreté et les plans nationaux de développement. Entre 1990 et 2003, les émissions totales de dioxyde de carbone dans la région ont augmenté de 81 % en raison de l'augmentation des émissions par habitant et de l'essor démographique de l'ordre de 35 %. La région arabe fait face à une grave pénurie d'eau, sept pays de cette région figurant parmi les dix pays les plus menacés au monde. En 2004, la consommation en eau avait déjà dépassé d'environ 46 % les ressources en eau disponibles dans la région. Durant ces 15 dernières années, l'accès aux installations d'assainissement a connu une légère amélioration dans les sous-régions. Toutefois, en 2004, la proportion de la population des PMA arabes utilisant des installations d'assainissement améliorées était seulement de 36 %. Si les pays arabes continuent à ce rythme, on estime que 124 millions de personnes n'auront pas accès aux services d'assainissement de base en 2015, dont 50 % dans les PMA arabes. De plus, en 2001, dans la région, 57 millions de personnes vivaient dans des taudis urbains, les habitants de taudis représentant près de 70 % de la population urbaine dans les PMA arabes.

Il est particulièrement important de favoriser l'intégration de la région arabe dans l'économie mondiale et de renforcer la coopération pour développer le commerce intra-régional. Les exportations non pétrolières continuent d'être faibles et le commerce intra-régional représente seulement 11 % du commerce total des pays arabes. La plupart des pays arabes ont cependant pris des mesures importantes pour libéraliser le commerce et s'intégrer dans l'économie mondiale. En juin 2007, 12 pays arabes sont devenus membres de l'Organisation mondiale du commerce et six négociaient leur statut de membre de l'OMC. L'aide publique au développement accordée aux pays arabes a diminué de près de 60 % pendant les années 1990. Depuis, la tendance a été constamment à la hausse, due en partie à d'importantes subventions au titre de l'allègement de la dette et à l'aide humanitaire en Irak. Toutefois, les flux d'aide vers la région n'ont pas été principalement ciblés sur les PMA arabes, les décisions des principaux donateurs répondant plus à des raisons géopolitiques, aux intérêts économiques et aux anciens liens coloniaux qu'aux besoins en matière de développement.

?tant donné les immenses défis auxquels la région fait face, en particulier dans les PMA arabes et les pays en conflit, il est essentiel de renforcer les activités de coopération, à la fois régionales et Sud-Sud, afin de promouvoir le développement. La nature transfrontière des obstacles au développement qui pèsent sur la région, telles que la pénurie d'eau, le ch?mage massif des jeunes et la migration, ainsi que les conflits et le déplacement des populations, appelle à des approches politiques qui vont au-delà des niveaux national et sous-régional. La Commission économique et sociale de l'ONU pour l'Asie occidentale (CESAO) continue de jouer un r?le vital dans ce processus, développant le dialogue politique entre les ?tats Membres de l'ONU, encourageant l'intégration régionale et offrant une aide technique aux initiatives dans tous les domaines du développement. Une coordination plus étroite des politiques économiques et environnementales, le partage des meilleures pratiques et des succès dans des domaines différents, allant des politiques de l'éducation à la lutte contre les maladies, ainsi que la création de nouvelles initiatives régionales pour encourager le développement humain dans les pays les plus pauvres de la région, sont des moyens parmi d'autres qui permettront aux pays arabes d'accélérer les progrès vers la réalisation des OMD v

(Cet article est fondé sur un rapport récent, Les Objectifs du Millénaire pour le développement dans la région arabe, 2007 : les jeunes, qui a été produit en collaboration avec les institutions de l'ONU dans la région arabe et la Ligue des ?tats arabes, et coordonné par la CESAO.)

?

La?Chronique de l’ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privilège d’accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingués ne faisant pas partie du système des Nations Unies dont les points de vue ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Organisation. De même, les frontières et les noms indiqués ainsi que les désignations employées sur les cartes ou dans les articles n’impliquent pas nécessairement la reconnaissance ni l’acceptation officielle de l’Organisation des Nations Unies.?