Selon l’Autorité nationale de conservation du tigre, il y avait en Inde 40 000 tigres vivant à l’état sauvage au début du XXe siècle. Il en reste aujourd’hui à peine 4 000. Cette situation reflète celle d’autres animaux comme le rhinocéros indien dont la population compte aujourd’hui moins de 2 400 animaux. Le sort de certaines espèces domestiques est également préoccupant. Par exemple, la population de chameaux massacrés pour la consommation est passée de 600 000 bêtes à 250 000 au cours des dernières décennies. La situation s’apparente à une ? extermination silencieuse ?. Si elle se poursuit au même rythme, il restera en Inde à peine 10 000 têtes.
En Inde, les tigres, les rhinocéros, les dromadaires ainsi que d’autres animaux?sont menacés d’extinction. Je parlerai ici des tigres qui auraient disparu depuis long- temps sans l’effort considérable fourni par le gouvernement.
Je suis un ami des animaux depuis mon enfance. Il était donc naturel qu’adulte, je devienne un activiste passionné par la protection des espèces sauvages. Toute ma vie, j’ai été fasciné par les tigres et ma plus grande gloire a eu lieu en ao?t 2013 avec l’adoption d’une jeune tigresse royale du Bengale aux Jardins zoologiques d’Alipore?à Calcutta, la capitale de l’?tat du Bengale-Occidental situé au nord est de l’Inde, qui compte la deuxième plus grande espèce de grands félins au monde.
Ce qui avait commencé comme un passe-temps est devenu, au fil des ans, un problème très préoccupant lié à l’existence de ces animaux. Aucune personne concernée par la protection des espèces sauvages ne peut vivre en paix lorsqu’elle a conscience de l’énorme t?che de conservation à effectuer.
En septembre 2013, j’ai appris par les médias que l’un des réseaux de braconniers les plus actifs en Inde avait été démantelé avec l’arrestation d’un trafiquant de 65 ans, Surajpal alias Chacha, connu pour ses activités criminelles, qui, avec son neveu Sarju, aurait tué 300 tigres en 30 ans et exporté en contrebande leurs peaux, leurs os et leurs cr?nes, en particulier vers la Chine, tout en gagnant des millions de dollars.
Cela m’a ouvert les yeux. J’étais conscient que l ’Inde était confrontée à un problème de braconnage mais, comme beaucoup d’autres, je n’avais aucune idée de son ampleur. La police a saisi 18 kilos d’os, de griffes et de cr?nes de tigre au domicile de Surajpal qui menait ses affaires depuis New Dehli. Les autorités ont aussi confisqué 50 millions de roupies indiennes en espèces (environ 100 000 dollars).
Depuis 2005, Chacha était recherché par le Bureau central d’enquête (CBI), le principal organisme d’enquête de la police en Inde, et le Bureau de contr?le de la criminalité liée aux espèces sauvages. Il a été repéré gr?ce à l’arrestation d’un autre trafiquant notoire, Sansar Chand Gujjar, qui, selon un rapport d’enquête publié par le magazine indien Tehelka, aurait tué plus de 250 tigres, 2 000 léopards, 5 000 otaries, 20 000 félins et 20 000 renards.
Lors d’un interrogatoire mené par le CBI en 20 06, Chand a admis avoir vendu 470 peaux de tigre et 2 130 peaux de léopard à quatre clients au Népal et au Tibet. Sa déclaration a révélé l’ampleur alarmante de ce problème. Pour ceux qui sont concernés par la protection des espèces sauvages, ce rapport? a? fait l’effet d’une bombe.
Des médias ont également révélé que Surajpal avait travaillé avec Chand et établi sa réputation comme meilleur fournisseur de peaux et d’os de tigre. Sa fa?on de procéder était simple : pour donner l’impression que les? tigres étaient morts de cause naturelle, il les empoisonnait. Selon ces articles, le réseau de braconniers ciblait les forêts et les réserves en conservant presque toujours une longueur d’avance sur la loi.
L’affaire Surajpal rappelle celle du célèbre bandit indien, Veerapan, dont l’héritage est vivant dans le pays et dans les sanctuaires de faune et de flores sauvages comme, entre autres, le Parc national Jim Corbett, le Parc national Rajaji, la Réserve de tigres de Sariska, le Parc national Ranthambore, le Parc national Pench, le Parc national Bandhavgarh, le Parc national Simlipal, la Réserve de tigres de Melgaht et le Parc national Kaziranga.
Surajpal a créé un réseau de braconniers, de trafiquants et de bandits dans tout le pays. Selon le recensement national de 2010, la population des tigres indiens, qui est estimée?à 1 706 bêtes aurait pu compter 2 500 tigres supplémentaires s’ils n’avaient pas été illégalement chassés par des braconniers comme Surajpal. Les trafiquants comme Surajpal et Chand devraient être traduits en justice pour ? extermination d’espèces sauvages ? et encourir de lourdes peines de prison. Chand, qui était gravement malade, est décédé en mars 2014 dans un h?pital à Jaipur, au Rajastan, pendant son procès.
En 2013, j’ai organisé un panel à Calcutta au cours duquel j’ai présenté mon livre intitulé The Safari : A Diary on Ranthambore. Le panel comprenait deux défenseurs de la faune et de la flore sauvages indiens, Belinda Wright, Directrice exécutive de la Wildlife Protection Society of India (WPSI), et Nitin Desai, Directeur du bureau Central India de la WPSI. Nous avons discuté du déclin de la population des tigres en Inde et des mesures de conservation à prendre. M. Desai a partagé plusieurs stratégies de lutte contre le braconnage, notamment le système de récompenses adopté par son organisation et d’autres groupes de conservation, visant à établir des?relations de confiance avec les villageois et les résidents locaux et à solliciter leur collaboration afin de mettre un terme au braconnage. La création de réseaux de mulkhbirs ou d’informateurs entre les villageois, les membres de différentes tribus et les populations forestières a déjà porté ses fruits.
Le lendemain de notre panel, Mme Wright, M. Desai et moi-même nous sommes rendus dans les Sundarbans, région qui abrite le tigre du Bengale. Site inscrit au patrimoine? mondial de l’UNESCO, le Parc national des Sundarbans, une réserve de la biosphère, situé dans le delta? des Sundarbans entre l’Inde et le Bangladesh, couvre une superficie de 36 000 ha et abrite le tigre royal du Bengale, l’un des animaux les plus difficiles à atteindre.
? l’aide des services communautaires et des activités scolaires, Mme Wright et M. Desai ont éduqué la population locale sur l’importance de confronter les braconniers. Fournir des renseignements sur les braconniers est peut-être l’aspect le plus important de l’action menée dans une région de mangroves qui figure parmi les plus inhospitalières au monde. Gagner le c?ur des populations locales semble être l’arme la plus efficace pour la protection du tigre.
L’Inde a accompli de grandes avancées dans ses efforts de conservation, mais elle doit continuer. Bien que les défis soient immenses, avec l’énergie et les capacités des défenseurs de l’environnement comme M. Desai et Mme Wright, les activistes environnementaux et l ’écrivain Bittu Sahgal et bien d’autres encore, nous gardons espoir. J’ai réalisé l’importance de la participation des communautés dans ces programmes de conservation.
Les violations des droits de l’homme font l’objet d’une? sensibilisation croissante? du public dans le monde. Il est temps de mettre les droits de l’animal sur un pied d’égalité avec les droits de l’homme dans le champ de la loi.?
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